
Le 20 septembre 2025, Tom Matano, figure majeure du design automobile, s’est éteint à l’âge de 76 ans. Surnommé le « papa » de la Mazda MX-5, il laisse derrière lui une empreinte indélébile dans l’histoire de l’automobile. Sa disparition a profondément touché la communauté des passionnés du roadster comme ses pairs, à l’image de Patrick le Quément, ancien directeur du design de Renault, qui lui rend aujourd’hui un hommage appuyé.
La naissance d’une légende : l’idée d’un petit roadster
La création de la Mazda MX-5 repose avant tout sur une succession de rencontres. Tout commence en 1978, lorsqu’un journaliste américain, Bob Hall, en visite au Japon pour essayer la Mazda RX-7, propose à la marque de concevoir un roadster léger inspiré des cabriolets anglais des années 1960. Il est convaincu qu’un tel modèle aurait un immense succès aux États-Unis. Son croquis attire l’attention de Kenichi Yamamoto, alors ingénieur en chef chez Mazda.
Quelques années plus tard, en 1984, Yamamoto – devenu président – valide officiellement le développement du projet. Mazda recrute Bob Hall dans l’équipe, confie le châssis à l’ingénieur Takao Kijima, et place le design sous la houlette de Shunji Tanaka. Mais c’est surtout Tom Matano, responsable du style pour Mazda en Amérique du Nord, qui dessine les lignes du futur roadster. En 1989, le modèle voit le jour : Roadster au Japon, Miata aux États-Unis et MX-5 en Europe.
La philosophie d’un design passionné
Pour Matano, la MX-5 n’était pas une simple voiture : c’était une vision de la conduite. Dans le livre A life in Mazda MX-5, publié tout récemment par François Bouet, le designer expliquait que le projet avait bénéficié d’une liberté rare. « Personne ne croyait au succès de cette auto, alors on nous a laissés tranquilles », se souvenait-il.
Son credo était clair : une voiture conçue par des passionnés, pour des passionnés. Les détails témoignaient de cette approche : feux arrière ronds assortis à la carrosserie, rétroviseurs dessinés spécialement, proportions harmonieuses. Pour lui, l’essentiel était qu’une Miata soit reconnaissable à 100 mètres, de face comme de dos.
Un designer proche de la communauté
Installé en Californie, Matano participait régulièrement aux rassemblements de propriétaires de MX-5. Dès l’origine, il avait pensé l’auto comme une machine fédératrice. Avec humour, il expliquait avoir voulu placer un smiley sur le bouton des phares escamotables pour inciter les conducteurs à se saluer. Même sans ce détail, l’esprit communautaire qu’il imaginait s’est concrétisé : la MX-5 a forgé l’une des communautés automobiles les plus soudées au monde.
Après la MX-5, la RX-7 et l’influence durable
Tom Matano n’a pas seulement signé la MX-5 NA. En 1991, il participe aussi au dessin de la Mazda RX-7 FD, un autre modèle culte salué pour ses lignes pures et dynamiques. Toujours respecté chez Mazda, il continuera à être consulté pour les générations suivantes de MX-5. « Même pour la ND, ils m’ont appelé », confiait-il, rappelant qu’il n’avait pourtant jamais prévu une quatrième génération. Sa seule recommandation : conserver cette identité visuelle forte, perceptible à distance.
Le respect de ses pairs
Matano n’était pas seulement apprécié des amateurs de MX-5. Patrick le Quément, qui dirigea le design de Renault pendant plus de vingt ans, le décrit comme une personnalité charismatique et authentique. « Il ne ressemblait à aucun autre designer, ni japonais, ni américain », souligne-t-il. Le Quément avait même proposé son nom à Carlos Ghosn en 1999 pour prendre la tête du design de Nissan, preuve de l’estime dont il jouissait dans le milieu.
Une carrière prolongée par la transmission
Matano reste chez Mazda jusqu’en 2002 avant de se tourner vers l’enseignement. Professeur de design à San Francisco, il forma des générations d’étudiants tout en gardant un lien avec le monde automobile. Il s’investit aussi dans le journalisme en rejoignant la Western Automotive Journalists, renouant ainsi avec la profession par laquelle l’idée de la MX-5 avait émergé.
Jusqu’à la fin, il répétait que chez Mazda, la passion était réelle : les jeunes ingénieurs devaient obligatoirement conduire une MX-5 NA pour comprendre son esprit. Un héritage qui continuera sans doute à inspirer les futurs roadsters de la marque.
Un hommage vivant
Le hasard du calendrier veut que les passionnés français puissent célébrer sa mémoire quelques jours après sa disparition. Le 27 septembre 2025, le premier MX-5 Day se tiendra sur le circuit de Dreux, avec la présence de François Bouet venu présenter son ouvrage. Une manière symbolique de saluer celui qui a donné naissance à l’un des plus grands mythes automobiles contemporains.