Sans le savoir, des milliers d’automobilistes empruntent chaque jour une portion d’autoroute unique au monde. Sur l’A10, juste avant le péage de Saint-Arnoult, se cache un tronçon de 1,5 km qui pourrait bien annoncer une révolution dans la mobilité électrique.
Une route qui recharge les véhicules en roulant
Depuis avril, Vinci Autoroutes teste sur ce bout d’A10 une “route électrique” capable de recharger les véhicules par induction, en partenariat avec Electreon, Vinci Construction, l’Université Gustave Eiffel et Hutchinson.
Le principe est simple : sous la chaussée, à une dizaine de centimètres de profondeur, environ 900 bobines de cuivre (soit 600 par kilomètre) transmettent de l’énergie à un véhicule électrique équipé d’un récepteur placé dans le châssis. Cette technologie permet de transférer jusqu’à 300 kW en crête et plus de 200 kW en moyenne, une puissance impressionnante pour une recharge sans contact.
Des tests concluants sur le terrain
Pour vérifier la fiabilité du dispositif, plusieurs véhicules expérimentaux (un poids lourd, un bus, un utilitaire et une voiture) ont parcouru le tronçon à de nombreuses reprises ces derniers mois.
Les premiers résultats sont prometteurs : les batteries se rechargent efficacement pendant le passage sur la route, avec une efficience proche de 85 %. En clair, le concept de “Charge as you drive” (“rechargez en roulant”) fonctionne bel et bien.
Une technologie qui pourrait changer la donne
Selon Pierre Delaigue, responsable du projet chez Vinci Autoroutes, cette expérimentation est “le premier projet au monde mené sur une autoroute en circulation réelle”. Et les avantages potentiels sont nombreux :
- Moins besoin de grosses batteries coûteuses et polluantes, puisque la recharge peut se faire en continu.
- Autonomie quasi illimitée, puisque la voiture se recharge tout au long du trajet.
- Moins de stations de recharge nécessaires, ce qui réduit l’empreinte au sol et les coûts d’infrastructure.
Vinci Autoroutes résume bien l’enjeu et déclare qu’en 30 minutes, une pompe à essence alimente 6 voitures thermiques pour 500 à 600 km. Sur la même durée, une borne électrique recharge une seule voiture pour deux fois moins de distance. La route électrique, avec une puissance d’environ 200 kW, permettrait de récupérer jusqu’à 2 à 3 km d’autonomie par kilomètre parcouru pour une voiture légère.
Un coût énorme… mais une vision à long terme
Installer une telle infrastructure n’a rien d’anodin : environ 4 millions d’euros par kilomètre, selon les estimations publiques. Mais Vinci Autoroutes y voit un investissement rentable sur le long terme, amortissable en une trentaine d’années grâce à la prolongation des concessions et à la revente d’électricité.
Pour équiper 9 000 km d’autoroutes françaises d’ici 2035, il faudrait environ 36 milliards d’euros. À l’échelle européenne, 40 à 50 000 km suffiraient pour assurer une couverture efficace.
Les poids lourds, premiers bénéficiaires
Dans un premier temps, cette technologie serait réservée aux poids lourds, responsables de 15 % du trafic mais de 45 % des émissions polluantes.
L’idée : électrifier les grands axes empruntés par les camions, notamment le corridor Saint-Arnoult–Orléans, avant d’étendre le système à d’autres véhicules.
Un futur qui se dessine sur nos routes
Encore expérimentale, cette “route électrique” symbolise l’un des plus grands défis de la mobilité électrique : concilier autonomie, écologie et praticité. Si la technologie continue de prouver sa fiabilité, elle pourrait bien transformer nos autoroutes en véritables sources d’énergie mobiles.